Christine Poncet-Wallet, médecin ORL et cheffe de service à l’hôpital Rothschild à Paris a répondu à nos questions sur le baromètre « Jeunes, Musiques et Risques auditifs » réalisé par AGI-SON.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Christine Poncet-Wallet, médecin ORL, cheffe de service à l’hôpital Rothschild à Paris. Le service s’occupe principalement des pathologies auditives, surdité, acouphènes, vertiges et assure la prise en charge des patients implantés cochléaire.
Quels chiffres du baromètre « Jeunes, musique et risques auditifs » ont retenu votre attention ?
J’ai été frappée par le temps d’écoute de musique par jour et par le nombre important de jeunes qui écoutent de la musique en ligne (81%). C’est énorme comme taux surtout avec 70% qui le font 1 à 5 heures par jour. Deuxièmement, la musique en ligne est pour moi synonyme de musique transformée et de sons compressés. Les sons compressés habituent l’oreille à un son modifié avec tous les sons qui sont écrêtés ce qui fait que l’énergie totale est plus importante que pour les sons naturels comme ceux produits par des instruments de musique. Ça diminue également les pauses (moments de micro-silence) qui sont des moments dans lesquels l’oreille va se reposer.
37% des jeunes déclarent avoir déjà eu des troubles auditifs, ce chiffre vous inquiète-t-il ?
C’est un chiffre qui m’inquiète mais malheureusement on retrouve ce genre de chiffre dans chaque étude sur le sujet. On constate également que la moitié des jeunes avec des troubles auditifs n’en ont jamais parlé à personne, c’est la preuve qu’il y a beaucoup de jeunes isolés et qu’ils n’osent pas parler de ce qui leur arrive.
Les écouteurs et les casques sont devenus le mode d’écoute privilégié des jeunes, souvent à des volumes importants. 64% déclarent que l’écoute prolongée avec des écouteurs est la cause de leur trouble auditif. Pensez-vous que ce matériel devrait être davantage réglementé afin de mieux contrôler les niveaux sonores ?
Je pense qu’il faudrait qu’il y ait plus de sensibilisation sur ce mode d’écoute. Mettre des écouteurs c’est moins bien qu’un casque par exemple. Les conditions d’écoute sont également très importantes. Si on veut entendre parfaitement la musique et qu’on est déjà dans un environnement bruyant on va avoir tendance à augmenter le son. Il vaut mieux prendre un casque avec un réducteur de bruit de fond qui va permettre de délivrer moins d’énergie sonore pour entendre la musique.
Pensez-vous que les messages de prévention sont adaptés à un public jeune ? Y en a-t-il suffisamment ?
Il n’y en a jamais suffisamment. Il faut réussir à trouver les bons moyens pour atteindre les jeunes. Il faut réussir à mettre en place des messages qui sensibilisent les jeunes sans les culpabiliser.
Avec la COVID il y a beaucoup moins de concerts. Il risque donc d’y avoir de plus en plus de gens isolés chez eux avec la musique jouée fortement et qui vont passer encore plus de temps d’écoute dans de mauvaises conditions. S’ils sont seuls chez eux il y aura probablement moins d’ouverture pour la prévention. Il faudrait essayer de réfléchir à avoir des actions ciblées sur les canaux utilisés (Spotify, Deezer, …) afin de les sensibiliser sur leur capital auditif. Il est très important de prévenir car aujourd’hui on ne peut pas guérir.
39% des jeunes s’endorment avec la musique dont 70% avec des écouteurs, qu’en pensez-vous ?
Pour moi c’est une horreur. Si la musique était à peine perceptible pourquoi pas mais il ne faut surtout pas que le volume soit important. S’ils s’endorment avec la musique ils ne peuvent alors pas surveiller tous les signes d’alerte pour préserver leur audition. Cela crée en outre une sur-stimulation du système auditif.
Avez-vous des conseils pour protéger son audition ?
Ce qui est important c’est l’énergie totale qu’on envoie à ses oreilles, dépendant du volume et du temps d’exposition. Il faut diminuer l’exposition à la musique trop forte, s’éloigner des sources sonores, ne pas hésiter à sortir pour faire des pauses et laisser son système auditif se reposer dans le silence, utiliser les protections individuelles en faisant de la musique ou en allant en concert, bien reconnaitre les signaux d’alertes et surtout réagir dès les premiers signes : acouphènes, douleurs, sensations d’oreilles cotonneuses, baisse d’audition. Il ne faut pas hésiter à télécharger les applications type sonomètre pour voir à quel niveau on est exposé.