25.06.2021

Environnement sonore Interview

Interview de Pascale Goday

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Pascale Goday, enseignante en éducation musicale, a répondu à nos questions sur ses actions en matière d’éducation au sonore.

 

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Pascale Goday, enseignante en éducation musicale et chant choral (CAPES) installée à Montréal, au Québec, depuis août 2016. J’ai un master en musicologie et je suis actuellement inscrite en doctorat à Montréal à l’UQAM en étude et pratique des arts.

Je viens de valider une attestation en 2e cycle en éducation relative à l’environnement et je suis également musicienne.

 

Quel est le sujet de recherche de votre doctorat ?

Je travaille sur une thèse croisée entre l’enseignement des arts sonores et l’éducation relative à l’environnement. L’écoute est au centre du propos, comme force de conscientisation en direction des élèves, l’objectif étant d’en faire des citoyens responsables, partie prenante de leurs environnements sonores quotidiens. Une posture d’écoute fondamentale forgée par la pratique des arts.

 

Quelles sont les actions que vous menez auprès du jeune public ?

J’ai réalisé une expérimentation pédagogique au sein d’une école de 2017 à 2020 à travers un projet nommé « Une approche de l’écologie sonore adaptée à l’école ». Cette expérimentation s’adressait à tous les élèves de l’école élémentaire.

J’ai développé des outils pour l’ensemble de la communauté. Dans le cadre du vivre-ensemble j’ai inventé un permis sonore de circulation puisqu’on s’est aperçu que dans les parties communes de l’école, il y avait un niveau sonore excessif, ce qui a des conséquences sur le comportement, le bien-être, l’attention …

Ce permis sonore de circulation est lié au règlement intérieur et demande aux élèves de respecter une certaine attitude sonore en fonction des endroits où ils se trouvent. Il s’agit de leur faire prendre conscience de la nécessité d’adapter leurs comportements à la spécificité acoustique des lieux qu’ils occupent.

J’ai intégré la langue des signes dans ce travail pour permettre aux élèves de continuer à communiquer même dans le silence lorsque celui-ci s’impose.

Parallèlement, j’ai développé des actions pédagogiques au sein de ma classe de musique où les élèves apprennent à identifier les sons, à les décrire, à les organiser entre eux, voire à les transformer à des fins artistiques.

J’ai par exemple travaillé avec des boîtes à musique à ressort. Les élèves avaient pour objectif de mettre la boîte à musique en contact avec différents matériaux et de voir les effets produits.

Une fois l ’action terminée, fort de l’expérience vécue, les élèves mettent des mots sur les différents effets sonores expérimentés ; je leur propose ensuite de créer de petites pièces musicales qui laissent place à leur créativité.

Cet atelier basé sur l’expérimentation et sur ses résonances créatives, permet aux élèves de développer une écoute différente de celle qui est habituellement enseignée.

 

Ces actions sont-elles adaptées à toutes les tranches d’âge ?

Le permis sonore de circulation comme les actions artistiques sont adaptées à tous les niveaux de l’élémentaire. Au niveau CP, j’ai par exemple fait travailler les élèves sur des devinettes sonores. Une classe produit de courtes séquences sonores avec des objets, les enregistrent, formulent un indice pour chaque son pour qu’une autre classe puisse deviner le son diffusé. C’est une autre façon de côtoyer la matière sonore et de l’interroger pour mieux la comprendre.

 

Durant ces temps d’apprentissage, introduisez-vous des messages de sensibilisation aux risques auditifs ?

Oui, la sensibilisation se fait à tous les niveaux scolaires. Je la pratique à travers les actions de prévention que je mène : anatomie et fonctionnement de l’oreille, quelques principes acoustiques, physiques et comportementaux. Le message est adapté à l’âge des élèves : parler de problème de société et de santé est important, mais il faut éviter les discours qui risquent de provoquer chez les élèves une éco-anxiété.

Avec les élèves de CP, CE1 et CE2 les thèmes abordés vont être choisis en fonction de ce que vont dire les enfants par rapport à ce qu’ils ont observé chez les adultes.

Avec les élèves de CM1, CM2, 6e la problématique est différente puisque les enfants commencent à jouer aux jeux vidéo, ont des appareils qui nécessitent des écouteurs comme des téléphones ; je les invite à observer leurs propres réactions physiologiques de l’oreille.

Au secondaire, on est au cœur du sujet puisque les élèves utilisent grandement les casques et écouteurs, et écoutent à fort volume. Il faut réussir à leur expliquer la différence entre les promesses marketing et la réalité.

 

Observez-vous des différences d’approche sur l’éducation au sonore entre le Québec et la France ?

J’ai été en contact avec des enseignants au Québec et je constate que l’éducation au sonore n’est pas développée. Les programmes français comme québécois permettent l’intégration de ce type de démarche mais il y a toute une éducation à faire auprès des adultes qui transmettent. Il y a une grosse carence à combler au niveau de la formation des enseignants pour qu’ils puissent transmettre en pleine connaissance de cause. Aujourd’hui, il existe des ressources disponibles mais si la personne n’a pas la curiosité ou n’est pas sensibilisée, elle n’ira pas chercher l’information pour se former et de fait ne pourra pas la transmettre.

Les élèves sont en demande, ils ont besoin de comprendre le monde dans lequel ils évoluent.

Il faudrait que ces sujets soient intégrés dans les programmes et qu’ils soient abordés régulièrement. L’environnement sonore revêt une importance fondamentale pour notre faculté à mieux vivre ensemble, on ne peut se contenter de n’en parler qu’une fois.

 

Quels chiffres du baromètres « Jeunes, musique et risques auditifs » ont retenu votre attention ?

Le nombre de jeunes ayant déjà eu un trouble auditif (plus d’un tiers) m’inquiète beaucoup. Fabien Granjon et Clément Combes parlent des écouteurs comme d’une prothèse et j’aime beaucoup cette expression. Les jeunes ont en permanence leurs écouteurs dans les oreilles.

Dans le baromètre, j’ai été interpellée par la statistique sur les jeunes qui écoutent avec une seule oreillette et qui continuent à discuter. On pourrait se dire qu’il est bien que l’être humain soit multitâche, mais il y a un risque de distorsion sensorielle (Anthony Pecqueux).

Un autre chiffre préoccupant de l’étude d’AGI-SON est le nombre de jeunes qui s’endorment avec la musique. On sait que l’oreille a besoin de repos et c’est pour cette raison qu’il faut donner des outils de compréhension aux jeunes. Sinon, j’ai peur que ce chiffre grandisse.

 

Constatez-vous le même intérêt pour l’écoute de musique au Québec ?

Les jeunes ont un fort intérêt pour la variété, la musique populaire. Même s’il y a une forte défense de la langue française au Québec, ils sont très portés sur le rap américain. Il me semble que les goûts sont en fait assez similaires à ceux présents en France, mais je n’en suis pas sûre.  Il y a aussi une partie des jeunes qui écoutent la musique de leurs parents.

Les plateformes de streaming jouent un rôle important dans cette forte consommation de musique. Tous les messages commerciaux reviennent à dire : « écoutez de la musique tout le temps, quoique vous fassiez ». Or ce sont des slogans qui vont à l’encontre des messages des spécialistes de la santé qui disent qu’il ne faut pas écouter constamment, car l’oreille doit se reposer.