Interview
« Le Lycée de la Vallée du Cailly a été construit en 1991. L’architecte, Mr Acau, y a construit un espace appelé Agora.
L’Agora est depuis bien longtemps une source de gênes sonores pour ses occupants (élèves, professeurs, personnes de l’administration).
On appelle Agora (lieu public en grec), le vaste hall d’entrée du lycée et principale pièce de transition entre les différents bâtiments. C’est un lieu de rencontres et de détente pour les élèves. L’Agora, de par sa dimension et les matériaux qui la composent (béton et vitres), est une pièce fortement bruyante. »
Extrait des Travaux Personnels Encadrés (TPE) de lycéens ayant menés une étude acoustique dans l’agora (document diponible en bas de page).
Focus sur ce projet avec son initiatrice, Martine Lemair, infirmière de l’établissement.
Comment définiriez-vous votre rôle d’infirmière scolaire ?
L’infirmière est présente dans les établissements scolaires afin de favoriser la réussite scolaire en intervenant sur la santé des élèves.
La santé comporte plusieurs volets. Je suis, comme mes collègues, multicasquettes : les consultations individuelles pour quelque motif que ce soit occupent la majorité de mon temps, avec l’écoute, les soins physiques ou psychiques, les réponses aux diverses questions. J’interviens également individuellement en éducation à la santé (contraception, sommeil, risques auditifs, alimentation, conduites addictives, etc.) par rapport à une situation donnée, ou sur demande d’adultes face à une situation d’élève pour aider ce jeune.
Un autre champ d’intervention est la promotion de la santé en collectif, afin de créer un cadre favorable au bien-être et à la réussite scolaire. Je travaille alors avec les chefs d’établissement, et les professionnels dans le cadre du Comité d’Education à la Santé et à la Citoyenneté (CESC). Nous mettons alors en place de l’éducation à la santé en partenariat avec des enseignants et des associations agréées par le rectorat ou le ministère.
Bien d’autres missions me sont dévolues mais pas dans le cadre qui nous intéresse avec les risques auditifs.
Comment la démarche d’insonorisation de l’agora du Lycée Vallée du Cailly est-elle née ?
Notre lycée est une construction des années 1990. Un élément central de l’établissement, nommée l’agora, est un lieu qui est convivial. Les élèves y restent entre les cours et s’installent pour jouer, parler, travailler à leur guise.
Dans cette agora, débouchent tous les couloirs d’accès aux salles de cours : 1000 jusqu’à 1400 lycéens s’y croisent en permanence.
Cette agora, de plafond très élevé, de grande superficie, comporte un sol et des murs en béton avec de nombreuses vitres et portes vitrées. La sonorité de ce lieu était très importante, au point que le bruit dans l’agora pouvait perturber les cours dans les étages.
D’autre part, il me semblait très difficile pour les élèves de travailler dans cette ambiance hyper-sonore. J’avais commencé à m’intéresser aux risques auditifs, nous avions un groupe de lycéens musiciens qui répétaient dans une salle pour lesquels j’avais monté un petit projet sur les risques auditifs avec un musicien professionnel.
J’ai donc eu l’idée d’associer plusieurs éléments.
Quelles ont été les différentes étapes de cette initiative ?
J’ai sollicité des collègues de physique afin qu’ils travaillent sur le son en cours, nous avons complété par ce qui existait dans notre région « les concerts pédagogiques » et en parallèle j’ai suscité l’envie des élèves de travailler sur le bruit dans l’agora par le biais de leur épreuve de baccalauréat « TPE ». J’avais émis l’hypothèse que le conseil régional serait peut-être plus sensible à cette approche par des élèves. 4 élèves se sont inscrits dans ce projet qu’ils ont mené de façon très professionnelle. Ils ont obtenu la note maximale à leur examen ! Nous avons alors envoyé leur TPE au conseil régional avec une demande du proviseur.
Comment avez-vous inscrit cette action dans le projet d’établissement ?
Nous l’avions inscrit dans le cadre du CESC pour une promotion de la lutte contre les risques auditifs. Il y a 10 ans, existaient déjà les oreillettes par lesquelles, jeunes et moins jeunes écoutent de la musique notamment entre les cours, pendant les temps de transports domicile-lycée.
Comment ont été structurés les TPE réalisés par les élèves de première ?
Les TPE sont une épreuve de baccalauréat.
Donc, ce sont les élèves qui les préparent suivant leurs idées directrices.
Ils sont encadrés par des enseignants et peuvent y intégrer d’autres acteurs en rapport avec le thème du TPE (intervenants extérieurs le plus souvent).
Les élèves se sont donc rapprochés pour leurs travaux d’un directeur de bureau d’études acoustiques qui les a aidés pour les mesures effectuées.
Quels changements avez-vous constaté suite à l’installation des panneaux acoustiques ?
Une très nette amélioration de la sonorité de l’Agora !
Les travaux ont été réalisés pendant les mois d’été 1 an après l’activité. Lors de la rentrée scolaire, j’ai croisé une enseignante qui marchait sur la pointe des pieds !… Je lui ai alors demandé pourquoi : elle m’a répondu « C’est tellement calme et surprenant… je ne veux pas faire de bruit ! »
Les professionnels travaillant à proximité ne se sont plus plaints du bruit de l’agora.
Les élèves ayant réalisés leur TPE ont pu constater les changements lorsqu’ils sont venus à la remise de diplôme dans l’agora.
De plus en plus d’élèves investissent ce lieu et restent au sein du lycée. Ils peuvent parler, travailler, jouer sans déranger les cours.
Quelle relation avez-vous avec le Kalif, association musicale et culturelle basée à Rouen, engagée dans la prévention des risques auditifs ?
Nous avons organisé 2 ou 3 concerts pédagogiques Peace&Lobe® en lien avec professeurs de physique et SVT intéressés et infirmière. Ces séances sont des moments de prévention festifs pour les lycéens. Ils travaillent en cours les concepts et ont ensuite un échange dans une salle de spectacle avec des musiciens professionnels. Nombre de nos élèves ne sont jamais allés écouter un concert auparavant.
La prise en charge financière était par la Région Haute Normandie.
Nous avons ensuite fait une « pause » car les autres établissements scolaires devaient pouvoir en bénéficier. Cela permet également de faire un lien avec la salle du Kalif à Rouen, dont j’ai pu donner les coordonnées à des jeunes musiciens.
Nous souhaitons à nouveau nous intégrer dans le dispositif des concerts pédagogiques pour retravailler entre professionnels intéressés par le risque auditif et les enseignants/infirmière intéressés.
Percevez-vous de nouveaux axes de travail dans l’environnement du lycée afin d’améliorer la santé générale des élèves et du personnel ?
Pour cette agora, j’aurai aimé trouver un biais pour qu’elle soit mieux chauffée… un TPE ? C’est plus compliqué ! Mais depuis, j’ai obtenu la mise en place d’une fontaine, très utile mais surtout très utilisée pour que nos lycéens puissent s’hydrater régulièrement.